Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/534

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je m’étais assis devant cette vieille petite table noire que vous connaissez ; la fenêtre de ma chambre donne, vous le savez, sur la cour de notre métairie ; je puis, de ma table, en écrivant, voir tout ce qui se passe dans cette cour.

« Voici de bien graves préliminaires, mon ami ; vous souriez ; j’arrive au fait.

« Je venais donc de m’asseoir devant ma table, lorsque, regardant au hasard par ma fenêtre ouverte, voilà ce que je vis ; vous qui dessinez si bien, mon bon Joseph, vous eussiez, j’en suis sûr, reproduit cette scène avec un charme touchant.

« Le soleil était à son déclin, le ciel d’une grande sérénité, l’air printanier, tiède et tout embaumé par la haie d’aubépine fleurie qui, du côté du petit ruisseau, sert de clôture à notre cour ; au-dessous du gros poirier qui touche au mur de la grange, était assis sur le banc de pierre mon père adoptif, Dagobert, ce brave et loyal soldat que vous aimez tant ; il paraissait pensif ; son front blanchi était baissé sur sa poitrine, et, d’une main distraite, il caressait le vieux Rabat-Joie, qui appuyait sa tête intelligente sur les genoux de son maître ; à côté de Dagobert était sa femme, ma bonne mère adoptive, occupée d’un travail de cou-