Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/535

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ture, et, auprès d’eux, sur un escabeau, Angèle, la femme d’Agricol, allaitant son dernier-né, tandis que la douce Mayeux, tenant l’aîné assis sur ses genoux, lui apprenait à épeler ses lettres dans un alphabet.

« Agricol venait de rentrer des champs, il commençait de dételer ses bœufs du joug, lorsque, frappé sans doute comme moi de ce tableau, il resta un instant immobile à le regarder, la main toujours appuyée au joug sous lequel ployait, puissant et soumis, le large front de ses deux grands bœufs noirs.

« Je ne puis vous exprimer, mon ami, le calme enchanteur de ce tableau, éclairé par les derniers rayons du soleil, brisés çà et là dans le feuillage.

« Que de types divers et touchants ! La figure vénérable du soldat… la physionomie si bonne et si tendre de ma mère adoptive, le frais et charmant visage d’Angèle souriant à son petit enfant, la douce mélancolie de la Mayeux, appuyant de temps à autre ses lèvres sur la tête blonde et rieuse du fils aîné d’Agricol, et enfin lui-même Agricol, d’une beauté si mâle, où semble se refléter cette âme loyale et valeureuse…

« Ô mon ami ! en contemplant cette réunion d’êtres si bons, si dévoués, si nobles, si aimants