Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/536

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et si chers les uns aux autres, retirés dans l’isolement d’une petite métairie de notre pauvre Sologne, mon cœur s’est élevé vers Dieu avec un sentiment de reconnaissance ineffable ; cette paix de la famille, cette soirée si pure, ce parfum des fleurs sauvages et des bois que la brise apportait, ce profond silence seulement troublé par le bruissement de la petite chute d’eau qui avoisine la métairie, tout cela me faisait monter au cœur de ces bouffées de vague et suave attendrissement que l’on ressent et que l’on n’exprime pas. Vous le savez, mon ami… vous qui, dans vos promenades solitaires, au milieu de vos immenses plaines de bruyères roses entourées de grands bois de sapins, sentez si souvent vos yeux devenir humides, sans pouvoir vous expliquer cette émotion mélancolique et douce ; émotion que j’éprouvai aussi tant de fois, durant d’admirables nuits passées dans les profondes solitudes de l’Amérique.

« Mais, hélas ! un incident pénible vint troubler la sérénité de ce tableau.

« J’entends tout à coup la femme de Dagobert s’écrier : « Mon ami, tu pleures ! »

« À ces mots, Agricol, Angèle, la Mayeux, se levèrent et entourèrent spontanément le soldat ; l’inquiétude était peinte sur tous les visages !… alors lui, ayant brusquement re-