Aller au contenu

Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Voilà mon fils lancé… Il ira loin, aussi loin que l’on peut aller !…

— Tant mieux pour lui !…

— Certainement, tant mieux pour lui !… cher frère… car cet avancement si rapide lui présage les plus hautes destinées !

— Grand bien lui fasse !

— Le voilà quasi ambassadeur… et ce que tu ne sais peut-être pas, mon cher frère, c’est qu’en sa qualité de chargé d’affaires, mon fils a droit au titre d’Excellence…

— Vraiment ?

— Cela paraît te surprendre, mon frère !

— Quoi ?

— Le titre d’Excellence accordé à mon fils !

— Pas du tout… Va pour Son Excellence !…

— Mon frère ?

— Eh bien ?

— Décidément, tu parais soucieux, contrarié… triste…

— C’est tout simple… je comptais te garder ici quelque temps, toi et ton fils, et vous partez le lendemain de votre arrivée.

— Combien je suis touchée, cher frère, de ton chagrin de nous voir partir si tôt ! mais tu nous excuseras : mon fils, représentant son souverain près de la cour de France, ne pouvait prolonger son séjour ici.

— Évidemment.

— Il aura, dès son arrivée, à conférer avec les ministres… avec le roi… tu entends… avec le roi…

— Je ne suis pas sourd.

— Tiens, mon frère, il faut que je te dise quelque chose… que j’ai sur le cœur.

— Dis.

— Tu ne te formaliseras pas ?

— Non…

— Tu me réponds presque toujours par monosyllabes… et d’un ton si brusque, que l’on te croirait fâché.

— Fâché de quoi ?

— De ce que mon fils a obtenu un si brillant avancement.

— En quoi cela peut-il me fâcher ?

— C’est ce que je me demande.

— Si ton fils a obtenu cet avancement, c’est qu’il le mérite, je suppose.

— Assurément… mais, je l’avoue, mon frère… je m’attendais de ta part à quelques mots de félicitation.