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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/249

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cacher, monsieur, il m’a paru blessant, pour ma dignité de père de famille, de recevoir de vous, sous la forme épistolaire, une sorte de leçon qu’il ne m’avait pas convenu de recevoir verbalement il y a deux jours.

« J’ai, monsieur, plus que personne conscience et connaissance de mes devoirs envers mon fils et ma pupille, que je considère comme ma fille.

« L’avenir prouvera qui de vous ou de moi est aujourd’hui dans l’erreur. La vôtre, monsieur, a sa source dans les funestes conséquences de votre orageuse jeunesse ; vous n’avez pas su résister à de coupables égarements ; vous jugez autrui d’après votre propre faiblesse, sans tenir compte de la différence essentielle des éducations.

« J’ai une foi plus ferme, et surtout plus éclairée que la vôtre dans la solidité des principes dont, ma femme et moi, nous avons nourri mon fils ; grâce à ces principes, il saura éviter ces terribles écueils que vous semblez vous plaire à signaler avec une regrettable exagération. Heureusement, je ne suis plus d’un âge à appréhender les fantômes.

« J’ajouterai, monsieur, que j’ai été surpris, et, il faut le dire, indigné des craintes à la fois inexplicables et offensantes que vous manifestez au sujet de l’avenir de ma nièce, par cela seulement que son mariage est ajourné de quelque temps, et qu’elle doit accompagner madame Dumirail à Paris.

« Il se peut, monsieur, que les dangereux succès de votre jeunesse vous aient donné le droit de douter de certaines femmes ; mais il en est d’autres que leur pureté native, que leurs angéliques vertus auraient dû sauvegarder de vos soupçons ; ma nièce était de celles-là, monsieur, et je m’aperçois avec douleur, et trop tardivement, que son innocence et sa candeur, que mieux que personne vous auriez dû apprécier en vivant parmi nous, ne lui ont pas mérité grâce à vos yeux.

« Je vous le demanderai, enfin, monsieur, de quel droit vous prétendez vous immiscer dans la direction future d’une jeune personne qui vous est absolument étrangère ?

« Vous paraissez, monsieur, me rendre responsable de je ne sais quels malheurs imaginaires dont ma nièce pourrait être victime. Sachez que j’accepte la responsabilité de mes actes ; ils ne relèvent que de ma conscience : elle est pure et tranquille.

« Un mot encore, monsieur. Croyez-le bien, loin de redouter les conséquences de la généreuse ambition que je ressens pour mon fils, et qu’il partage, je m’enorgueillis, je m’enorgueillirai