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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/250

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toujours de cette ambition, parce qu’elle sera couronnée d’un succès mérité, j’en ai la ferme espérance : mon excellent ami, M. de Morainville, m’écrit à l’instant de Paris qu’il facilitera de tout son pouvoir l’entrée de la carrière diplomatique à mon fils, et que son avancement est certain, grâce à la rare intelligence que, lors de son dernier séjour ici, M. de Morainville a remarquée dans Maurice. Vous le voyez, monsieur, tout le monde ne partage pas vos craintes, si désobligeantes à son égard.

« Vous m’objectez que, complétement inexpérimentés de la vie de Paris, ma femme et moi, nous serons hors d’état de guider sagement mon fils et de faire raisonnablement la part de la jeunesse, puisque nous l’exposons à une foule de tentations… Rassurez-vous, monsieur ; Maurice respectera l’autorité paternelle tout aussi bien à Paris qu’il la respectait au Morillon.

« En terminant, vous m’engagez, monsieur, dans le cas où vos avis ne prévaudraient pas auprès de moi, à conserver cette lettre, parce que, dites-vous, les malheurs de famille que vous redoutez pouvant nous rapprocher un jour, je ferai peut-être alors appel à vos conseils, et qu’ainsi leur autorité, quant à l’avenir, sera constatée par vos prévisions actuelles. Votre vœu sera satisfait, monsieur, je conserverai soigneusement votre lettre ; mais j’ajouterai, à regret, que je la conserverai comme un regrettable témoignage de l’aberration où a pu tomber un homme que longtemps j’avais cru doué d’un esprit juste, d’un sens droit, d’un caractère généreux et bienveillant, tandis qu’il est dominé par l’impérieuse et aveugle prétention de se poser et surtout de s’imposer en censeur, en directeur de la conduite d’autrui.

« Quant à vos insinuations au sujet de ma sœur et de mon neveu, qui, selon vous, désiraient méchamment la rupture du mariage de Maurice et de Jeane, ces insinuations sont tellement vagues, quoique fort malveillantes, que je n’ai pas dû m’y arrêter sérieusement.

« Soyez donc assuré, monsieur, qu’il m’en coûte extrêmement de voir se rompre de la sorte des relations jadis amicales, commencées et continuées sous de si heureux auspices ; je n’oublierai jamais les services que vous avez rendus à mes enfants.

« Pourquoi faut-il que vous ayez malheureusement oublié que la plus étroite intimité n’autorise jamais un étranger à s’ériger en dominateur d’une famille dont le chef, grâce à Dieu, n’a besoin des avis de personne pour comprendre et pratiquer ses devoirs.

« Agréez, monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.

« Dumirail.