— Je m’y perds, — reprit M. d’Otremont abasourdi ; — continuez, de grâce… et, puisque vous le désirez, je me montrerai fort aimable pour votre petit jeune homme de six pieds.
— Il arrive de sa province.
— Bien obligé.
— Vous me ferez donc le plaisir de ressentir pour mon protégé une sorte de sympathie subite, et, afin de le produire tout de suite à Paris dans un milieu élégant et choisi, vous lui proposerez de le présenter à votre club.
— Mais vous savez, ma chère Antoinette, que le premier venu n’est pas admis à mon club.
— Les parents de ce jeune homme sont fort riches ; il est bien élevé ; il a, ainsi que l’on dit, l’un de ces noms neutres qui ne peuvent soulever aucune objection sérieuse. Vous présidez le comité d’admission de votre club ; or, si vous le voulez fermement, mon jeune provincial sera reçu parmi vous, grâce à votre influence.
— Votre jeune provincial ? Ah çà ! Antoinette, est-ce que, par hasard, vous voudriez me faire jouer le singulier rôle de… ?
— Au revoir, Richard !
— De grâce… ne vous fâchez pas !
— À chaque mot, vous élevez une difficulté ou une supposition plus ou moins désobligeante. Est-ce ainsi que vous pensez me convaincre de votre dévouement à mes volontés ?… Non, non… Ainsi donc, au revoir, mon pauvre Richard.
— Allons… c’est dit, votre jeune homme sera reçu à mon club.
— C’est fort heureux !… Enfin, pour avoir l’occasion de présenter notre candidat aux membres de votre comité d’admission, vous les engagerez, eux et lui, à souper après-demain au café Anglais.
— Soit… En un mot, si je comprends votre pensée, il s’agit de lancer votre provincial parmi la jeunesse dorée de Paris.
— C’est cela même, mon cher Richard.
— Une question… et ne voyez là, de grâce, nulle indiscrétion.
— Parlez.
— Si vous vous intéressez à ce monsieur, je n’ai pas besoin de vous faire observer qu’inexpérimenté comme doit l’être un jeune homme qui, peut-être, n’est jamais venu à Paris…
— Jamais… il sort tout frais, tout battant neuf, de ses montagnes.
— En ce cas, il y a fort à parier que, lancé dans le monde, votre jeune homme, s’il est riche, se ruinera comme tant d’autres.