— Il ne faut pas qu’il se ruine… ou plutôt, — ajouta madame de Hansfeld avec une expression indéfinissable, — il ne faut pas laisser à mon jeune provincial le loisir de se ruiner.
— Comment ?
— Cela dépend de vous, mon cher Richard.
— Je peux empêcher ce monsieur de se ruiner… moi ?…
— Oui… vous.
— Et comment cela ?
— Mon cher Richard, tout à l’heure je vous disais que les plus intrépides… vous, par exemple, si brave l’épée à la main, vous pourriez manquer de courage moral.
— En quoi… à propos de qui… pourrais-je manquer de courage moral ? En vérité, vous parlez en énigmes !
— Richard, — répondit Antoinette en attachant son noir et brûlant regard sur M. d’Otremont, — je suis femme de parole ; vous savez quelle est ma promesse… si vous me donnez la preuve d’amour que je veux !
— Antoinette ! — s’écria M. d’Otremont bondissant au choc presque électrique de ce coup d’œil chargé d’enivrante volupté, — oh ! ne me regardez pas ainsi !… ou je perds le peu de raison qui me reste… Je suis à vous… je vous l’ai dit… corps et âme… Que faut-il faire ?
— Ne pas laisser à notre jeune homme le temps de se ruiner.
— Et comment puis-je l’empêcher de se ruiner ?
— En abrégeant infiniment ses jours…
— Vous dites ?
— Je dis que, si vous tuez en duel mon jeune homme, et cela… le plus tôt possible… je suis à vous, Richard ! — répondit madame de Hansfeld sans sourciller, sans que la moindre émotion se trahît sur son masque de marbre.
— Richard d’Otremont était ce que l’on appelle (locution d’ailleurs assez élastique) un galant homme. Aussi, à cette abominable proposition de tuer en duel un très-jeune homme, presque un enfant peut-être, il pâlit, fit un brusque mouvement pour s’éloigner de madame de Hansfeld, comme s’il eût été mordu par une vipère, et, quoique spadassin endurci, son honneur se révolta ; aussi, après un moment de stupeur, il s’écria indigné :
— Madame !… ah ! madame, c’est affreux !
Il est impossible de peindre le regard de froid dédain, le sourire de sinistre raillerie dont Antoinette accabla M. d’Otremont, à qui elle dit d’un ton sardonique :
— Vous m’excuserez, mon cher monsieur, je suis obligée de