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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/272

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LI


Maurice, subissant de plus en plus l’irrésistible attrait de madame de Hansfeld, attrait dont il ne s’expliquait encore ni la nature ni la puissance, car il n’altérait en rien son tendre amour pour sa fiancée, Maurice se croyait le jouet d’un rêve : il ignorait, et, dans son inexpérience, il ne pouvait supposer quelle était la position sociale de cette femme enchanteresse, entourée de tous les prestiges d’une grande opulence, qui, disant s’intéresser autant à Jeane qu’à lui-même, s’emparait soudain de sa destinée, lui dictait ses ordres, lui adressait les flatteries les plus câlines, lui proposait de l’accompagner à un souper où se devait trouver l’élite de la jeunesse dorée de Paris ; en vain il cherchait le mot de cette énigme, se rappelant les termes de la lettre qui l’amenait chez Antoinette, lettre reçue par lui le matin même, et ainsi conçue :

« Madame la baronne de Hansfeld prie M. Maurice Dumirail de vouloir bien se donner la peine de passer chez elle, aujourd’hui, de deux à trois heures. Elle désire lui faire une communication importante pour sa famille et pour lui, et lui offre l’assurance de sa considération la plus distinguée. »

Un valet de pied, poudré, vêtu d’une livrée splendide, aux boutons armoriés, avait demandé au concierge de l’hôtel des Étrangers à remettre cette lettre à M. Maurice Dumirail en personne, et rempli cette mission en présence de madame Dumirail et de Jeane, aussi surprises que l’on peut se l’imaginer, et, il faut le dire, quelque peu troublées par la livrée du messager.

Cependant, madame Dumirail, ombrageuse, défiante comme une mère, hasarda de demander au valet de pied qui était sa maîtresse ; ce à quoi le serviteur, sans cacher le léger étonnement que lui causait la question, répondit respectueusement que sa maîtresse était madame la baronne de Hansfeld, et il ajouta, non sans un certain orgueil et en manière de renseignements complémentaires, que madame la baronne était une des dames les plus