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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/291

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Mon père est riche, et, sans rien exiger de superflu, je peux bien attendre de lui qu’il satisfasse à des dépenses raisonnables. Il est si bon, si équitable ! N’est-ce pas enfin lui qui m’a instamment sollicité de venir à Paris ? Oh ! ce voyage, je ne le regrette pas maintenant, malgré les sinistres prophéties de notre cher maître ; aussi, mon père comprendra qu’il doit me fournir les moyens de vivre honorablement à Paris. J’hésitais à quitter nos montagnes, je voulais rester cultivateur ; mon père a insisté, j’ai obéi. C’est à lui maintenant de faire ce qu’il doit. Cependant, s’il se refusait à mes désirs, s’il voyait le superflu là où je ne vois que le nécessaire ? Quelle honte ! je n’oserais jamais retourner chez madame de Hansfeld. Non, non ! mon père et ma mère se montreront équitables, généreux ; mais, s’ils ne l’étaient pas, que faire ?… que faire ?…

Le cours des pensées de Maurice fut soudain interrompu par ces mots, que lui adressait courtoisement un inconnu :

— Monsieur, je suis étranger, auriez-vous l’obligeance de m’indiquer la rue Royale ?

Maurice, rappelé à lui-même par cette question, se souvint de la seconde lettre à lui confidentiellement remise par le portier de l’hôtel, et il répondit à l’inconnu :

— Monsieur, je suis étranger moi-même, et ne saurais vous renseigner ; mais j’ai justement besoin de savoir aussi où est la rue Royale, et nous allons nous en informer.

Maurice se trouvait alors presque à l’extrémité de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, près de la place de la Madeleine. Il apprit bientôt qu’il était tout proche de la rue Royale, et tira de sa poche la lettre qu’il avait reçue du concierge de son hôtel garni. Elle contenait ces lignes :

« Monsieur,

« Je crois pouvoir être assez heureux pour pouvoir vous rendre l’un de ces petits services toujours agréables aux fils de famille ; si vous voulez m’honorer de votre confiance et savoir ce dont il s’agit, vous me trouverez demain, de quatre à six heures, au café qui fait le coin de la rue Royale et de la place de la Madeleine. Vous demanderez au comptoir M. Léon.

« Agréez, etc., etc. »

Maurice, après la lecture de cette lettre, chercha des yeux, et