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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/294

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— Pardon, je suis à vous dans l’instant.

M. Léon, se levant, alla vers le palier tournant du billard et cria :

— Garçon, du papier, une plume et de l’encre !

Le garçon revint bientôt, et M. Léon, muni de tout ce qu’il lui fallait pour écrire, s’attabla de nouveau près de Maurice, et, tirant de sa poche un portefeuille, il y prit un paquet de billets de banque, les compta lentement un à un et dit ensuite, en les offrant au jeune provincial :

— Voilà vingt mille francs ; veuillez, je vous prie, compter à votre tour les billets.

— Compter ces billets… et pourquoi ?

Pour vous assurer que je vous remets bien, en effet, vingt mille francs.

— À moi ?

— À vous-même.

— Et que voulez-vous, monsieur, que je fasse de vos vingt mille francs ?

— Ma foi, monsieur, vous en ferez ce que vous voudrez… le meilleur et le plus joyeux usage… probablement.

— Monsieur… est-ce une plaisanterie ?

— Diable ! on ne plaisante jamais avec des billets de mille francs !

— Mais enfin, monsieur, vous ne pensez pas que je croie que vous me donniez vingt mille francs, et vous pensez encore moins que je veuille les accepter ?

— Vous les donner ?… Non point ! Je vous les prête… ou plutôt la personne de qui je suis l’agent vous les prête.

— Elle me les prête… et pourquoi ?

— Pour placer avantageusement ses capitaux à six pour cent, pas un centime de plus, qui n’en est pas moins un excellent placement par le temps qui court ; du reste, le compte des intérêts se réglera plus tard, et, si vous acceptez ce prêt, vous voudrez bien m’écrire un simple récépissé ainsi conçu : « Je reconnais avoir reçu de M. Léon la somme de vingt mille francs, dont les intérêts, convenus plus tard de gré à gré, commenceront à valoir de ce jour. » Vous daterez, vous signerez, vous empocherez vos vingt mille francs, et si, plus tard, bientôt peut-être, vous avez encore besoin d’argent, ne vous gênez pas, voici mon adresse (M. Léon donna sa carte à Maurice). Jetez à la poste une lettre dans laquelle vous m’indiquerez le chiffre de la somme qu’il vous faut, et le lendemain elle sera mise à votre disposition ; lors de notre