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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/467

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devint l’héritier de tes parents. Comprends-tu maintenant la noirceur de cette invention diabolique ?

— C’est juste… On se perd, en vérité, dans le dédale de cette abominable calomnie, reprit Maurice.

Et, le front toujours assombri par un doute secret, il ajouta d’une voix embarrassée :

— Ainsi, Antoinette, tu n’as vu San-Privato qu’une fois !… et il t’inspire une vive répulsion ?

Madame de Hansfeld regarda fixement Maurice d’un air attristé, soupira, garda un moment le silence et reprit avec un sourire navrant :

— Mon ami, je crains qu’une fois de plus ne soit justifié le terrible axiome de Basile : « Calomnions, il en restera toujours quelque chose. »

— Que veux-tu dire ?

— Tu es jaloux de M. San-Privato.

— Moi ?… Grand Dieu ! quelle idée !

— Avoue-le.

— Je t’assure que non, mon Antoinette.

— Tu es jaloux, te dis-je !

— Non ; mais je…

— Mais tu serais heureux, très-heureux, n’est-ce pas, d’avoir une preuve éclatante de la fausseté de tes soupçons ?

— Oui, — reprit Maurice avec effort et rougissant ; — c’est vrai ; mais, je t’en conjure, pardonne-moi ce…

— Te pardonner, mon bien-aimé Maurice, te pardonner ? Ah ! c’est à genoux que je devrais te remercier de me donner cette occasion de te prouver la loyauté de mon amour. Béni soit Dieu ! il est une providence pour les cœurs sincères et fidèles ! — reprit madame de Hansfeld.

Et, ouvrant le tiroir d’une chiffonnière de bois de rose placée près du sofa, elle en tira une enveloppe décachetée, la donna au jeune homme en lui disant :

— Lis cela, mon ami.

Maurice prit l’enveloppe que lui offrait Antoinette et qui contenait un billet écrit par San-Privato et une lettre pliée.

Le billet d’Albert était ainsi conçu, Maurice lut à haute voix, d’après l’invitation d’Antoinette :

« Madame,

« J’ai l’honneur de vous envoyer ci-jointe une lettre que je reçois