— Et si, par hasard, la conduite de ta femme n’est ni honnête ni avouable ? si ta femme te trompe ?
— Elle m’aime sincèrement et me sera fidèle.
— Soit ; mais enfin, il faut tout prévoir.
— J’ai tout prévu, même l’impossible.
— L’impossible, c’est l’infidélité de ta femme ?
— Oui.
— Si elle était infidèle, que ferais-tu ?
— Je la tuerais.
— Mon Dieu, comme il l’aime ! — s’écria Antoinette frappée de l’expression des traits de San-Privato, lorsqu’il proféra sa menace homicide. — Ah ! que d’amour dans cette jalousie féroce !
— Ce n’est pas par jalousie que je tuerais ma femme.
— Quel sentiment, Albert, te pousserait donc à ce meurtre ?
— L’horreur du ridicule ; le sang de la femme lave, sinon la honte, du moins le ridicule du mari… En résumé, je me dis ceci : Ou Jeane me rendra heureux, me sera fidèle, et ainsi je retrouverai ma complète tranquillité d’esprit, ou bien Jeane me trompera ; en ce cas, je la tue, et sa mort met fin à mes angoisses.
— Devant la logique de ce raisonnement, je me tais. Je connais d’ailleurs, Albert, la fermeté de ton caractère. Ta résolution est prise ? rien ne t’en fera dévier.
— Rien.
— Oh ! je le sais ; mais, du moins, te verrai-je encore quelquefois après ton mariage ?
— Sans doute.
— Oh ! merci, merci, tu es bon !… — murmura madame de Hansfeld avec une émotion profonde et contenue. — Ta promesse dépasse mes espérances.
— Il faudra continuer de nous occuper de Maurice.
— Ah !… encore ?
— Ma haine contre lui s’est accrue en proportion de mon amour pour Jeane.
— Pourquoi cela ?
— Parce que Jeane l’a tendrement aimé. Maurice a été son premier amour, cet amour reste unique et divin entre tous les autres ; de lui date le premier éveil du cœur, mille impressions nouvelles et délicieuses ! Cet amour est noble, pur, élevé ; son souvenir nous reste toujours doux et cher, il nous repose, il nous charme ! Ah ! j’en suis certain, la pensée de Jeane se reporte parfois vers ces temps heureux où elle aimait Maurice, jours paisibles dont la sérénité contraste avec les agitations, les orages dont