francs, pas un louis de moins… parce que cette somme, que je vous garderai fidèlement, sera par moi mise à l’abri des entraînements de la dissipation, etc., etc. » Tu me comprends ?
— À merveille ! — répondit madame de Hansfeld d’un air pensif et distrait.
— Maurice se croit adoré de toi, il te sait millionnaire, il te voit mener un train de princesse, il ne saurait avoir la moindre défiance ; tu lui offres d’ailleurs de lui signer une reconnaissance du dépôt qu’il te remet. Il refuse, indigné ; tu insistes, il déchire le reçu que tu lui donnes. Un mois après, tu lui proposes de tenter, de compte à demi avec moi, une superbe spéculation qui doublera ses capitaux. Il accepte ; mais, hélas ! la spéculation manque, le reste va de soi, et…
Puis, regardant la distraction profonde où paraît plongée Antoinette, San-Privato ajoute :
— Tu ne m’écoutes pas ; à quoi songes-tu ?
— Albert, j’aime passionnément l’argent, autant pour l’argent en lui-même que pour le luxe qu’il procure ; mais ce que je préfère à l’argent, ce que je préfère au luxe, ce que je préfère à tout, c’est toi !
— Je n’ai jamais douté de ton affection.
— Mon ami, tu ne possèdes que les appointements de ton emploi, sur lesquels tu devras bientôt assurer une pension à ta mère.
— Où veux-tu en venir ?
— Tu vas te marier. La dot de ta femme, m’as-tu dit, s’élève au plus à trente mille francs ; tu devras présenter dans le monde le plus aristocratique de Paris madame San-Privato ; ton orgueil souffrira cruellement de la voir, elle si belle, moins bien parée que les autres femmes, car tu seras trop pauvre pour lui donner d’élégantes toilettes, et tu as l’horreur des dettes ; as-tu songé à ce côté tout matériel de ton mariage ?
— Oui, et j’ai pensé à y pourvoir.
— De quelle façon ?
— Le roi de Naples m’a toujours témoigné une bonté particulière ; je lui ferai part de mon mariage en lui exposant sincèrement ma situation : marié à une femme sans fortune et ayant une mère à ma charge. Le roi est généreux, il m’accordera certainement une gratification considérable. Elle m’aidera à attendre le moment où je serai nommé ministre résident près d’une cour d’Europe ; alors mes appointements suffiront largement à mes besoins et à ceux de ma femme.
— Et si, d’aventure, le roi ne t’accorde pas ce que tu désires ?