m’ayant fait l’honneur de m’inviter à…, etc., » ou bien : « Son Altesse Monseigneur le grand-duc de Toscane, m’ayant déjà comblé de bontés, voulut bien me… etc., » ou bien encore : « Le roi de Bavière, qui daignait me traiter avec une distinction si particulière que j’en demeurais confondu, m’assurait un jour que… etc., etc. »
Mais, en énumérant un jour les souverains dont il s’était trouvé rapproché, grâce à ses fonctions diplomatiques, et qui, selon lui, le traitaient avec une bonté ou une distinction toute particulière, Albert San-Privato, doué d’infiniment de tact et de savoir-vivre, donnait à son accent une expression de gratitude respectueuse qui ne permettait pas de l’accuser de céder à un sentiment de vanité ridicule en énumérant ainsi ses interlocuteurs couronnés ; puis il fit un tableau éblouissant de plusieurs fêtes de cour auxquelles il avait assisté, citant les noms des beautés les plus à la mode, princesses, duchesses ou marquises, tour à tour reines de ces bals splendides, lesquelles lui avaient aussi fait l’honneur de lui dire ceci ou cela ; il décrivait leurs toilettes merveilleuses, ou bien, abordant des sujets plus graves, mais toujours intéressants, il esquissait le portrait de quelques hommes d’État célèbres en Europe, auxquels il avait aussi l’honneur de dire, etc., etc.
Il racontait encore les délices de Florence la Belle, la ville des fleurs et des plaisirs, ce rendez-vous de tous les voluptueux de l’Europe, où, plongé dans un doux farniente, par la molle tiédeur d’un printemps éternel, on se laisse vivre au milieu du parfum des roses et de l’enchantement des arts.
Puis, à ces riants tableaux, où les grands pins à parasol couvrent de leur ombre les fontaines de marbre blanc, tandis qu’au loin le soleil jette ses reflets vermeils sur les portiques et les statues, succédait, contraste saisissant, l’aspect glacial de la Russie, la neige de ses steppes immenses qui ressemblent au blanc linceul d’un monde : hivers formidables suivis d’étés soudains et sans printemps, où verdure, feuillage, fleurs et fruits surgissaient des frimas aussi subitement qu’une décoration d’opéra.
San-Privato racontait encore son récent voyage au Brésil, la végétation splendide de ses forêts vierges, dont les oiseaux bleus, pourpres, verts, couleur de feu, ont l’éclat des pierreries ; le Brésil avec ses esclaves, leurs mœurs étranges, ses indolentes créoles bercées dans des hamacs aériens, tandis que leurs femmes agitent les grands éventails de plumes de paon ; mais, dans ces récits d’Albert, un trait de mœurs, une anecdote, un fait animait toujours le paysage.