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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/706

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que le nom de votre estimable époux réveille en vous des souvenirs conjugaux trop longtemps oubliés ; aussi, je mettrai le comble à votre reconnaissance envers moi en vous apprenant que M. Godinot est à Paris.

Madame de Hansfeld, à part. — Je n’ai pas une goutte de sang dans les veines… Je tremble de deviner l’infernal dessein de ce d’Otremont.

San-Privato, à part. — Quoi !… Antoinette est mariée ?….. son mari existe ?

D’Otremont, à madame de Hansfeld. — Veuillez me prêter votre attention, et vous avouerez, madame, que le hasard, la Providence ou la fatalité amènent parfois des découvertes vengeresses. Il y a quinze jours environ, j’étais allé visiter une terre dans les alentours de Beauvais.

Madame de Hansfeld, à part. — De Beauvais ! plus de doute !

D’Otremont. — Je désirais acquérir cette propriété. Après l’avoir visitée, je m’informe au régisseur du nom de la personne chargée de la vente ; on me répond : « Maître Godinot, avoué à Beauvais. »

Madame de Hansfeld, à part. — Si mes soupçons se confirment, je suis perdue !

D’Otremont. — Je me rends chez maître Godinot, j’entre dans son cabinet, et le premier objet dont mes yeux sont frappés est un portrait de femme, assez mal peint, mais ressemblant cependant d’une manière saisissante à madame la baronne de Hansfeld.

Madame de Hansfeld, à part. — Le portrait que mon mari a fait faire de moi durant le premier mois de notre mariage.

D’Otremont. — Je demande à maître Godinot quel est l’original de ce portrait. Il me répond avec un mélange d’insouciance et de mépris « C’est le portrait de ma coquine de femme ; elle m’a planté là au bout de six mois de mariage, pour courir la prétantaine avec un chef d’escadron de hussards. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue et ne m’en inquiète guère, heureux que je suis d’être débarrassé d’elle… — Quel âge aurait à cette heure madame Godinot, et quel est son nom de baptême ? ai-je encore demandé à l’avoué. — Elle se nomme Antoinette, et doit avoir trente ans, » m’a-t-il répondu. Vous comprenez, madame la baronne, que, pour moi, votre identité n’était plus douteuse, vous étiez bien et dûment l’épouse légitime de maître Godinot.

Madame de Hansfeld. bas. — C’est le démon que cet homme !…

San-Privato, bas. — Je prévois son dessein… Tout n’est pas désespéré ; mais vous avez commis une imprudence inconcevable en ne prenant pas de sûretés contre votre mari.