Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/102

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rentrer… Il paraît que l’agitation augmente dans Paris… Tu sais qu’on a battu le rappel ?

— Oh ! mère ! — s’écria Sacrovir, l’œil étincelant d’enthousiasme, — Paris a la fièvre… On devine que tous les cœurs battent plus fort. Sans se connaître, on se cherche, on se comprend du regard ; dans chaque rue ce sont d’ardentes paroles… de patriotiques appels aux armes… Ça sent la poudre, enfin !… Ah ! mère ! mère !… — ajouta le jeune homme avec exaltation ; — comme c’est beau le réveil d’un peuple !…

— Allons, calmez-vous, enthousiaste, — dit madame Lebrenn en souriant.

Et elle étancha avec son mouchoir la sueur dont était mouillé le front de son fils. Pendant ce temps, M. Lebrenn embrassait sa fille.

— Gildas, — dit le marchand, — on a dû apporter des caisses pendant mon absence ?

— Oui, monsieur, de la toile et des glaces ; elles sont dans l’arrière-boutique.

— Bien… laissez-les là, et surtout gardez-vous d’approcher du feu les ballots de toile.

— C’est donc inflammable comme du madapolam ? de la mousseline ? de la gaze ? — pensa Gildas ; — et pourtant c’est lourd comme du plomb… Encore une chose étonnante !

— Ma chère amie, — dit M. Lebrenn à sa femme, — nous avons à causer ; veux-tu que nous montions chez toi avec les enfants, pendant que Jeanike mettra le couvert, car il est tard… Vous, Gildas, vous mettrez les contrevents de la boutique ; nous aurions peu d’acheteurs ce soir.

— Fermer la boutique ! ah ! monsieur, combien vous avez raison ! — s’écria Gildas avec enchantement. — C’est depuis tantôt mon idée fixe.

Et comme il s’encourait pour obéir aux ordres du marchand, celui-ci lui dit :

— Un moment, Gildas ; vous ne poserez pas les contrevents à la