Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/103

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porte d’entrée, car plusieurs personnes doivent venir nous demander. Vous ferez attendre ces personnes dans l’arrière-boutique, et vous me préviendrez.

— Oui, monsieur, — répondit Gildas en soupirant ; car il eût préféré voir le magasin complètement fermé et la porte garnie de ses bonnes barres de fer fortement boulonnées à l’intérieur.

— Maintenant, chère amie, — dit M. Lebrenn à sa femme, — nous allons monter chez toi.

La nuit était déjà presque noire.

La famille du marchand se rendit au premier étage, et se réunit dans la chambre à coucher de M. et de madame Lebrenn.

Celui-ci dit alors à sa femme d’une voix grave :

— Ma chère Hénory, nous sommes à la veille de grands événements.

— Je le crois, mon ami, — répondit madame Lebrenn d’un air pensif.

— Voici, mon amie, le résumé de la situation d’aujourd’hui, — poursuivit M. Lebrenn. — Tu dois la connaître pour juger ma résolution, la combattre si elle te semble injuste et mauvaise, l’encourager si elle te semble juste et bonne.

— Je t’écoute, mon ami, — répondit madame Lebrenn, calme, sérieuse, réfléchie, comme nos mères lors de ces conseils solennels où elles voyaient souvent leur avis prévaloir.

M. Lebrenn reprit ainsi :

— Hier, monsieur Barrot et ses compères, après avoir agité la France pendant trois mois, avaient appelé le peuple dans la rue ; ces intrépides agitateurs n’ont pas osé venir à leur rendez-vous… Le peuple y est venu pour constater son droit de réunion et faire lui-même ses affaires… On dit ce soir que le roi a pris pour ministres monsieur Barrot et ses compères… Nous ne descendons pas dans la rue pour faire ministre cet homme ridicule, la marionnette de M. Thiers. Ce que nous voulons, ce que le peuple veut, c’est renver-