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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/136

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— Joséphine, — lui dit Georges, — souffrez-vous davantage ? — Et il ajouta en portant la main à ses yeux : — Cette blessure… mortelle… c’est en voulant me sauver qu’elle l’a reçue.

— Georges, — dit la jeune fille d’une voix faible et d’un air égaré, — Georges, vous ne savez pas…

Et elle tâcha de rire.

Ce rire dans l’agonie était navrant.

— Pauvre enfant ! revenez à vous, — dit madame Lebrenn.

— Je m’appelle Pradeline, — répondit la malheureuse créature en délire. — Oui… parce que je chante toujours.

— L’infortunée ! — dit M. Lebrenn, — elle délire !

— Georges… — reprit-elle dans un complet égarement, — écoutez mes chansons…

Et d’une voix expirante elle improvisa sur son air favori : 


………………………….Je sens déjà la mort…
………………………….Allons… si c’est mon sort…
………………………….Ah ! c’est pourtant bientôt,
………………………….Que de… mourir…

Elle n’acheva pas ; ses bras se raidirent, sa tête se pencha sur son épaule.

Elle était morte…

Gildas, à cet instant, entr’ouvrit la porte qui communiquait à un escalier montant au premier étage, et dit au marchand :

— Monsieur, le colonel qui est là-haut demande à vous parler tout de suite.

La nuit était venue.

Le marchand se rendit dans sa chambre à coucher, où le colonel avait été conduit par mesure de prudence.

M. de Plouernel avait reçu deux blessures légères et de fortes contusions. Pour faciliter le premier pansement appliqué à ses plaies, il s’était dépouillé de son uniforme.

M. Lebrenn trouva son hôte debout, pâle et sombre.