Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/144

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travail, le courage et le grand cœur ! — reprit Sacrovir avec un accent de respectueuse déférence, pendant que le vieillard, de plus en plus ému, portait à ses yeux ses mains tremblantes et vénérables.

— Ah ! vous croyez, monsieur Morin, — dit M. Lebrenn en souriant, — vous croyez que vous n’êtes pas aussi notre bon grand-père à nous ? vous croyez que vous ne nous appartenez pas maintenant, aussi bien qu’à notre cher Georges ? comme si nos affections n’étaient pas les siennes, et les siennes les nôtres !

— Mon Dieu ! mon Dieu ! — reprit le vieillard, si délicieusement ému que ses larmes coulaient, — que voulez-vous que je vous réponde ? C’est trop… c’est trop… je ne peux que dire merci et pleurer. Georges, toi qui sais parler, réponds pour moi, au moins !

— Ça vous est bien facile à dire, grand-père, — reprit Georges non moins ému que le vieillard.

— Mon père ! — dit vivement Sacrovir en s’avançant vers la fenêtre. — Vois donc ! vois donc !…

Et il ajouta avec exaltation :

— Oh ! brave et généreux peuple entre tous les peuples !…

À la voix du jeune homme tous coururent à la fenêtre.

Voici ce qu’ils virent sur le boulevard, laissé libre par l’accomplissement de la cérémonie funèbre :

À la tête d’un long cortège d’ouvriers marchaient quatre des leurs, portant sur leurs épaules une sorte de pavois enrubané, au milieu duquel se voyait une petite caisse de bois blanc ; venait ensuite un drapeau sur lequel on lisait :

Vive la république !
Liberté — Égalité — Fraternité.
offrande à la patrie.

Les passants s’arrêtaient, saluaient, et criaient avec transport :

— Vive la république !

— Ah ! je les reconnais bien là ! — s’écria le marchand les yeux