mouillés de larmes. — Ce sont eux, eux, prolétaires… eux qui ont dit ce mot sublime : Nous avons trois mois de misère au service de la république… eux, pauvres, et les premiers frappés par la crise du commerce. Et pourtant les voici les premiers à offrir à la patrie le peu qu’ils possèdent… la moitié de leur pain de demain, peut-être…
— Et ceux-là, les déshérités, qui donnent un tel exemple aux riches, aux heureux du jour… ceux-là, qui montrent tant de générosité, tant de cœur, tant de résignation, tant de patriotisme, ne sortiraient pas enfin de leur servage ! — s’écria madame Lebrenn. — Quoi ! leur intelligence, leur travail opiniâtre, seraient toujours stériles pour eux seuls ! quoi ! pour eux, toujours la famille serait une angoisse ? et le présent, une privation ? l’avenir, une épouvante ? la propriété un rêve sardonique ? Non, non ! Dieu est juste !… Ceux-là qui triomphent avec tant de grandeur ont enfin gravi leur Calvaire ! Le jour de la justice est venu pour eux. Et je dis comme votre père, mes enfants : C’est un grand et beau jour que celui-ci ! jour d’équité… de justice… pur de toute vengeance !
— Et ces mots sacrés sont le symbole de la délivrance des travailleurs ! — dit M. Lebrenn en montrant du geste cette inscription attachée au fronton du temple chrétien :
C’est près de dix-huit mois ensuite de cette journée si imposante par cette cérémonie religieuse, et si riche de splendides espérances qu’elle donnait à la France… au monde !… que nous allons retrouver M. Lebrenn et sa famille.
Voilà ce qui se passait au commencement du mois de septembre 1849 au bagne de Rochefort.
L’heure du repas avait sonné : les forçats mangeaient.