Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/147

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sant les épaules. — Je ne vous ai pas répondu parce que je n’ai pas encore perdu l’habitude de m’entendre appeler par mon nom… et que j’oublie toujours que je me nomme maintenant : Onze cent vingt.

— Assez de raisons !… Allons, en route chez le commissaire de marine.

— Pourquoi faire ?

— Ça ne te regarde pas… Allons, marche, et plus vite.

— Je vous suis, — dit M. Lebrenn avec un calme imperturbable.

Après avoir traversé une partie du port, l’argousin, suivi de son forçat, arriva à la porte des bureaux du commissaire chargé de la direction du bagne.

— Veux-tu prévenir monsieur le commissaire que je lui amène le numéro onze cent vingt ? — dit le garde-chiourme à un de ses camarades servant de planton.

Au bout de quelques instants, le planton revint, dit au marchand de le suivre, lui fit traverser un long corridor ; puis, ouvrant la porte d’un cabinet richement meublé, il lui dit :

— Entrez là, et attendez…

— Comment ! — dit M. Lebrenn fort surpris. — Vous me laissez seul ?

— C’est l’ordre de monsieur le commissaire.

— Diable ! — reprit M Lebrenn en souriant ; — c’est une marque de confiance dont je suis très-flatté.

Le planton referma la porte et sortit.

— Parbleu ! — dit le marchand en avisant un excellent fauteuil, — voici une bonne occasion de m’asseoir ailleurs que sur la pierre ou sur le banc de la chiourme.

Puis il ajouta en se carrant sur les moelleux coussins :

— Décidément, c’est toujours une chose très-agréable qu’un bon fauteuil.

À ce moment une porte s’ouvrit, M. Lebrenn vit entrer un homme