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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/167

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leur intérêt commun, qu’à s’unir, qu’à échanger leurs produits, au lieu de se battre !… Passons, enfants… les temps approchent où les derniers bataillons s’en iront avec les derniers rois !

— Ah ! mon père ! ces temps heureux, les verrons-nous jamais ? — dit Sacrovir, non moins étonné que Georges de la quiétude du marchand. — Partout, à cette heure, la liberté des peuples est bâillonnée, bâtonnée, égorgée par les bourreaux des rois absolus !… L’Italie, la Hongrie, l’Allemagne, sont de nouveau courbées sous le joug sanglant qu’elles avaient brisé en 1848, électrisées par notre exemple, et comptant sur nous comme sur des frères !… Au nord, le despote des cosaques, un pied sur la Pologne, un pied sur la Hongrie, étouffées dans leur sang, menace de son knout l’indépendance de l’Europe, prêt à lancer sur nous ses hordes sauvages !…

— Des hordes pareilles, mes enfants, nos pères, en sabots, les ont écharpées sous la Convention… et nous ferions comme eux… Quant aux rois, ils massacrent, ils menacent, ils écument de fureur !… et surtout d’épouvante !… Ils voient déjà, du sang des martyrs assassinés par eux, naître des milliers de vengeurs !… Ces porte-couronnes ont le vertige : il y a bien de quoi !… Qu’une guerre européenne éclate, la révolution se dresse chez eux et les dévore ! Que la paix subsiste, le flot pacifique de la civilisation monte… monte… et submerge leurs trônes… Passons, enfants…

— Mais, à l’intérieur ! — s’écria Georges, — à l’intérieur !

— Eh bien, mes amis ! que se passe-t-il à l’intérieur ?

— Hélas ! mon père… la défiance, la peur, la misère partout, semées par les éternels ennemis du peuple et de la bourgeoisie… Le crédit anéanti… Des populations égarées, trahies, trompées, ameutées contre la république, leur mère, par ceux-là qui savent bien qu’ils ne pourront plus, sous un gouvernement républicain-socialiste, exploiter le peuple et la modeste bourgeoisie, sur qui pèse presque entièrement l’impôt, c’est-à-dire la gêne ou la misère !…

— Pauvres chers aveugles ! — reprit en souriant M. Lebrenn, —