Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/168

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le prodigieux mouvement industriel qui s’opère dans les différentes classes de travailleurs et de bourgeois ne frappe donc pas vos yeux ? Songez donc à ces innombrables associations ouvrières qui se fondent de toutes parts, à ces excellents essais de banque d’échange, de comptoirs communaux, de crédit foncier, etc., etc. Ces tentatives, les unes couronnées de succès, les autres incertaines encore, mais toutes entreprises avec intelligence, courage, probité, persévérance et foi dans l’avenir démocratique et social, ne prouvent-elles pas que le peuple et la bourgeoisie, ne comptant plus, et bien ils font, sur le concours et l’aide de l’État, cette impuissante chimère, cherchent leur force et leurs ressources en eux-mêmes, afin de se délivrer de l’exploitation capitaliste et usuraire, comme ils se sont délivrés de la tyrannie monarchique et jésuitique ?… Croyez-moi, mes enfants, lorsque tout un peuple comme le nôtre se met à chercher la solution d’un problème, d’où descend sa vraie liberté, son travail, son bien-être et celui de la famille… ce problème, il le trouve… et, le socialisme aidant, il le trouvera.

— Mais où sont nos forces, mon père ? Notre parti est décimé !… Les républicains-socialistes sont traqués, calomniés, dénoncés, emprisonnés, proscrits !… Enfin, que dirai-je ? Comment ne pas se décourager, se désespérer, lorsque l’on pense que toi… toi… tu dois la tardive justice qu’on t’a rendue… à qui ?… au comte de Plouernel… à un royaliste tout-puissant aujourd’hui !…

— Hélas ! mon père ! — ajouta Georges, — n’est-ce pas le déplorable symbole de cette situation dont la pensée nous écrase ?… Les royalistes tout-puissants, les républicains persécutés !

— Et quelle est, mes enfants, la conclusion de votre découragement ?

— Hélas ! — reprit tristement Sacrovir, — ce que nous redoutons, c’est la ruine de la république, c’est le retour au passé ; c’est de rétrograder au lieu d’avancer, c’est la négation du progrès… c’est d’en arriver à cette désolante conviction : que l’humanité, au lieu de marcher toujours, est fatalement condamnée à tourner incessamment sur