Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/214

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à ma place ; mais Julyan ne craint pas plus Armel qu’Armel ne craint Julyan ; et si tu avais une coudée de plus, Rabouzigued, je te montrerais sur l’heure qu’à commencer par toi, je ne crains personne… pas même mon bon frère Armel…

— Bon frère Julyan ! — reprit Armel, dont les yeux commencèrent aussi à briller, — nous devons prouver à l’étranger que nous n’avons pas peur l’un de l’autre.

— C’est dit, Armel… Luttons au sabre et au bouclier.

— C’est dit, Julyan…

Et les deux amis se tendirent et se serrèrent la main ; car ces jeunes gens n’avaient aucune haine l’un contre l’autre, s’aimaient toujours autant, et n’allaient combattre que par outre-vaillance.

Joel n’était point sans contentement de voir les siens se comporter valeureusement devant son hôte ; et la famille pensait comme lui.

À l’annonce de ce combat, tous, jusqu’aux petits enfants, aux jeunes femmes et aux jeunes filles, furent très-joyeux, et battirent des mains en souriant et se regardant, très-fiers de la bonne idée que l’inconnu allait avoir du courage de leur famille.

Mamm’Margarid dit alors aux jeunes gens :

— La lutte cessera quand j’abaisserai ma quenouille.

— Ces enfants te font fête de leur mieux, ami hôte, — dit Joel à l’étranger ; — tu leur feras fête à ton tour en leur racontant, comme à nous, les choses merveilleuses que tu as vues dans tes voyages.

— Il faut bien que je paye de mon mieux ton hospitalité, ami, — répondit l’étranger. — Ces récits, je les ferai.

— Alors, dépêchons-nous, frère Julyan, — dit Armel ; — j’ai grande envie d’entendre le voyageur. Je ne me lasserais jamais d’entendre raconter, mais les conteurs sont rares du côté de Karnak.

— Tu vois, ami, — dit Joel, — avec quelle impatience on attend tes récits ; mais avant de les commencer, et pour te donner des forces, tout à l’heure tu boiras au vainqueur de la lutte avec de bon vieux vin des Gaules… — Et s’adressant à son fils : — Guilhern, va cher-