Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/249

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— Je te crois ; il s’agit pour la Gaule d’être esclave ou de renaître dans sa force et dans sa gloire d’autrefois.

— Au moment de te quitter, ne saurai-je pas le nom de l’homme vaillant qui s’est assis à mon foyer ? le nom du sage qui parle avec tant de raison et aime si fort son pays ?

— Joel, je me nommerai soldat tant que la Gaule ne sera pas libre ; et si nous nous rencontrons encore, je me nommerai ton ami, car je le suis.

En disant ces mots, l’inconnu monta dans la barque, qui de l’îlot de Kellor le devait conduire à l’île de Sên. Avant que la barque se fût éloignée, sous la conduite de l’ewagh, Joel demanda à ce dernier s’il pouvait attendre sa fille Hêna, qui devait venir à sa maison ce jour-là. L’ewagh lui apprit que sa fille ne se rendrait chez lui que vers la fin de la journée.

Le brenn, chagrin de ne point emmener Hêna, s’en retourna dans sa barque seul avec Albinik.

Julyan, vers le milieu du jour, alla consulter les druides de la forêt de Karnak pour leur demander s’il devait préférer à la mort prochaine et volontaire, qui était pour lui un plaisir… puisqu’il allait rejoindre Armel… la mort qu’il irait chercher en combattant les Romains. Les druides lui répondirent qu’ayant juré à Armel sa foi de saldune de mourir avec lui, il devait être fidèle à sa promesse, et que les ewaghs iraient chercher le corps d’Armel avec les cérémonies d’usage pour le transporter sur le bûcher, où Julyan trouverait sa place dès le lever de la lune. Julyan, joyeux de pouvoir sitôt retrouver son ami, se disposait à quitter Karnak, lorsqu’il vit arriver chez les druides l’étranger qui avait été l’hôte de Joel, et qui revenait de l’île de Sên en compagnie de Talyessin. Celui-ci dit quelques mots aux autres druides, et ils entourèrent le voyageur avec autant d’empressement que de respect, les plus jeunes l’accueillaient comme un frère, les plus vieux comme un fils.


Le voyageur, reconnaissant alors Julyan, lui dit :