Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/252

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lorsqu’elle ôta son manteau à capuchon, l’on vit qu’elle portait, comme dans les cérémonies religieuses, une couronne de feuilles de chêne vert sur ses cheveux blonds, tressés en nattes autour de son front chaste et doux. Le bleu de la mer, lorsqu’elle est calme sous un beau ciel, n’était pas plus pur que le bleu des yeux d’Hêna.

Le brenn tendit ses bras à sa fille. Elle y courut joyeuse, et lui offrit son front, ainsi qu’à sa mère Margarid ; les enfants de la famille chérissaient Hêna, ils se disputaient à qui baiserait ses belles mains, que cherchaient à l’envi toutes ces petites bouches innocentes.

Il n’est pas jusqu’au vieux Deber-Trud qui ne gambadât de son mieux pour fêter la venue de sa jeune maîtresse.

Albinik, le marin, fut celui à qui Hêna offrit son front après son père et sa mère ; elle n’avait pas vu son frère depuis longtemps. Guilhern et Mikaël eurent ensuite leur tour, ainsi que la fourmillante nichée d’enfants qu’Hêna enserra tous à la fois de ses deux bras en se baissant à leur niveau pour les embrasser. Elle fit ensuite tendre accueil de sœur à Hénory, femme de son frère Guilhern, regrettant que Méroë, l’épouse d’Albinik, ne fut point là. Ses autres parentes et parents ne furent point oubliés : tous, jusqu’à Rabouzigued, dont chacun se moquait, eurent d’elle une parole d’amitié.

Alors, toute heureuse de se trouver parmi les siens, dans la maison où elle était née, il y avait dix-huit ans de cela, Hêna voulut s’asseoir aux pieds de sa mère, sur le même escabeau où elle s’asseyait toujours étant enfant. Lorsqu’elle vit sa fille ainsi à ses pieds, Mamm’Margarid lui montra le désordre qui régnait dans la salle par suite des préparatifs de départ pour la guerre, et dit tristement :

— Nous devions fêter avec joie et tranquillité ce jour où tu nous es née… chère fille ! et voici que tu trouves confusion et alarmes dans notre maison bientôt déserte… car la guerre menace…

— Ma mère dit vrai, — reprit Hêna en soupirant. — La colère de Hésus est grande…

— Toi, chère fille ! qui es une sainte, — reprit Joel, — une sainte