Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/251

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d’autres rangeaient dans des coffres des vêtements, du linge et des baumes pour les blessures ; d’autres ajustaient de grandes et fortes toiles destinées à recouvrir les chars ; car, dans les guerres redoutables, toutes les tribus du pays menacé par l’ennemi, au lieu de l’attendre, allaient souvent à sa rencontre. On abandonnait les maisons ; les bœufs de labour étaient attelés aux chariots de bataille contenant les femmes, les enfants, les habillements et les provisions ; les chevaux, montés par les hommes mûrs de la tribu, formaient la cavalerie ; les jeunes gens, plus alertes, escortaient à pied et en armes. Les grains étaient enfouis ; les troupeaux délaissés allaient paître les champs sans gardiens et par instinct rentraient le soir aux étables abandonnées ; presque toujours les loups et les ours dévoraient une partie de ce bétail. Les champs restaient sans culture : de grandes disettes s’ensuivaient. Mais souvent aussi les combattants s’en allant de la sorte à la défense du pays, encouragés par la présence de leurs femmes et de leurs enfants, qui n’avaient à attendre de l’ennemi que la honte, l’esclavage ou la mort, les combattants repoussaient l’étranger au delà des frontières, et revenaient réparer les désastres de leurs champs.

Vers le déclin du soleil, Joel sachant que sa fille devait se rendre à sa maison, y retourna avec les siens, afin d’aider aussi aux préparatifs du voyage de guerre. Hêna, la vierge de l’île de Sên, vint à la tombée du jour, selon qu’elle l’avait promis.

Lorsque son père, sa mère et tous ceux de la famille, virent entrer Hêna, il leur sembla que jamais… non, jamais elle n’avait été si belle… et son père (qui écrit ceci), ne s’était non plus jamais senti si fier de son enfant. La longue tunique noire qu’elle portait était serrée à sa taille par une ceinture d’airain, où pendaient d’un côté une petite faucille d’or, de l’autre un croissant, figuré ainsi que la lune en son décours. Hêna avait voulu se parer pour ce jour où l’on devait fêter sa naissance. Un collier, des bracelets d’or, travaillés à jour et garnis de grenat ornaient ses bras et son cou plus blancs que la neige ;