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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/255

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ainsi endormie, le soir, sur vos genoux ma mère, pendant que vous filiez votre quenouille, et que vous tous, qui êtes ici, moins Armel, étiez réunis autour du foyer, parlant des mâles vertus de nos mères et de nos pères du temps passé !

— Il est vrai, fille chérie, — répondit Margarid en passant sa main sur les blonds cheveux de sa fille, comme pour les caresser, — il est vrai ; et ici, chacun t’aimait tant, à cause de ton bon cœur et de ta grâce enfantine, que lorsqu’on te voyait endormie sur mes genoux, on parlait tout bas, de peur de t’éveiller.

Rabouzigued, qui était là, parmi les autres de la famille, dit alors :

— Et quel est ce troisième sacrifice humain, qui doit apaiser Hésus et nous délivrer de la guerre… qui donc, Hêna, sera sacrifié ce soir ?…

— Je te le dirai, Rabouzigued, lorsque j’aurai un peu songé au temps qui n’est plus, — répondit la jeune fille, toujours rêveuse, sans quitter les genoux de sa mère, puis passant sa main sur son front, comme pour rappeler ses souvenirs ; elle regarda autour d’elle, montra du doigt la pierre sur laquelle était le bassin de cuivre où trempaient les sept branches de gui, et reprit :

— Et lorsque j’ai eu douze ans, mon père et ma mère se rappellent-ils combien j’ai été heureuse d’être choisie par les druidesses de l’île de Sên pour recevoir dans un voile de lin, blanchi à la rosée des nuits, le gui, que coupaient les druides avec une serpe d’or, lorsque la lune jetait sa plus grande clarté ?… Mon père et ma mère se souviennent-ils que, rapportant du gui pour sanctifier notre maison, j’ai été ramenée ici, par les ewaghs, dans un chariot orné de fleurs et de feuillages, pendant que les bardes chantaient la gloire de Hésus ?… Quels tendres embrassements toute notre famille me prodiguait à mon retour ? quelle fête dans la tribu !…

— Chère… chère fille ! — dit Margarid en pressant la tête d’Hêna contre son sein, — si les druidesses t’avaient choisie pour recueillir