Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/257

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— Voici les colliers de coquillages que je faisais le soir, à côté de ma mère ! Voilà ces varechs desséchés, qui ressemblent à de petits arbres, et recueillis par moi sur nos rochers… Voici le filet dont je me servais pour m’amuser à prendre à la marée basse des mormen dans les sables du rivage… Voici encore les rouleaux de peau blanche où, chaque fois que je venais ici, j’écrivais le bonheur que j’avais de revoir les miens et la maison où je suis née… Tout est à sa place. Je suis contente d’avoir amassé ces trésors de jeune fille…

Cependant, Rabouzigued, que ces remémorances ne semblaient pas toucher, dit encore de sa voix aigre et impatiente :

— Et quel est ce troisième sacrifice humain, qui doit apaiser Hésus et nous délivrer de la guerre ? qui donc, Hêna, sera sacrifié ce soir ?

— Je te le dirai, Rabouzigued, — reprit Hêna en souriant ; — je te le dirai lorsque j’aurai distribué mes petits trésors de jeune fille à vous tous, et à toi aussi… Rabouzigued.

Et en disant ces mots, la fille du brenn fit signe à ceux de sa famille d’entrer dans sa chambre ; et à chacun, bien étonné, elle donna un souvenir d’elle. Tous, jusqu’aux enfants qui l’aimaient tant, et aussi Rabouzigued, reçurent quelque chose ; car elle délia les colliers de coquillages et divisa les varechs desséchés, disant de sa douce voix à chaque personne :

— Garde ceci, je te prie, pour l’amitié d’Hêna, ta parente et amie.

Joel, sa femme et ses trois fils, à qui Hêna n’avait encore rien donné, se regardaient, d’autant plus surpris de ce qu’elle faisait, que sur la fin ils lui virent des larmes dans les yeux, quoiqu’elle ne parût pas triste. Alors elle détacha le collier de grenat qu’elle portait au cou, et dit à Margarid en baisant sa main et lui offrant le collier :

— Hêna prie sa mère de garder cela pour l’amitié d’elle.

Elle prit ensuite les petits rouleaux de peau blanche préparés pour écrire, les remit à Joel, lui baisa aussi la main et dit :