Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/259

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frande agréable à Hésus, et qui peut l’apaiser : c’est le sang innocent d’une vierge, heureuse et fière d’offrir ce sang à Hésus, de le lui offrir librement… volontairement… dans l’espoir que ce dieu tout-puissant délivrera de l’oppression étrangère notre patrie bien-aimée… cette chère et sainte patrie de nos pères !… Le sang innocent d’une vierge coulera donc ce soir pour apaiser le courroux de Hésus.

— Et le nom ! — demanda Rabouzigued, — le nom de cette vierge, qui doit nous délivrer de la guerre ?

Hêna, regardant son père et sa mère avec tendresse et sérénité, leur dit :

— Cette vierge, qui doit mourir, est une des neuf druidesses de l’île de Sên ; elle s’appelle Hêna ; elle est fille de Margarid et de Joel, le brenn de la tribu de Karnak !…

Et il se fit un grand et triste silence parmi la famille de Joel.

Personne… personne… ne s’attendait à voir si prochainement Hêna s’en aller ailleurs… Personne… personne… ni père, ni mère, ni frères, ni parents n’étaient préparés aux adieux de ce brusque voyage.

Les enfants joignaient leurs petites mains, et disaient pleurant :

— Quoi !… déjà partir… notre Hêna ?… quoi déjà t’en aller ?…

Le père et la mère se regardèrent en soupirant, Margarid dit à Hêna :

— Joel et Margarid croyaient aller attendre leur chère fille dans ces mondes inconnus, où l’on continue de vivre et où l’on retrouve ceux que l’on a aimés ici… C’est, au contraire, notre Hêna qui va nous y devancer.

— Et peut-être, — reprit le brenn, — notre douce et chère fille ne nous attendra pas longtemps…

— Puisse son sang innocent et pur comme celui de l’agneau apaiser la colère de Hésus ! — ajouta Margarid ; — puissions-nous aller bientôt apprendre à notre chère fille que la Gaule est délivrée de l’étranger !