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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/26

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cloison, et communiquant à une pièce voisine, où un homme d’un grand âge, d’une figure douce et vénérable, encadrée de longs cheveux blancs, était couché dans un lit beaucoup meilleur que celui de Georges. Ce vieillard semblait être d’une grande faiblesse ; ses mains amaigries et ridées étaient agitées par un tremblement continuel.

— Bonjour, grand-père, dit Georges en embrassant tendrement le vieillard. Avez-vous bien dormi cette nuit ?

— Assez bien, mon enfant.

— Voilà votre soupe au lait. Je vous l’ai fait un peu attendre.

— Mais non. Il y a si peu de temps qu’il est jour ! Je t’ai entendu te lever et ouvrir ta fenêtre… il y a plus d’une heure.

— C’est vrai, grand-père….. j’avais la tête un peu lourde…… j’ai pris l’air de bonne heure.

— Cette nuit je t’ai aussi entendu aller et venir dans ta chambre.

— Pauvre grand-père ! je vous aurai réveillé ?

— Non, je ne dormais pas… Mais, tiens, Georges, sois franc… tu as quelque chose.

— Moi ? pas du tout.

— Depuis plusieurs mois tu es tout triste, tu es pâli, changé, à ne pas te reconnaître ; tu n’es plus gai comme à ton retour du régiment.

— Je vous assure, grand-père, que…

— Tu m’assures… tu m’assures… je sais bien ce que je vois, moi… et pour cela, il n’y a pas à me tromper… j’ai des yeux de mère… va…

— C’est vrai, reprit Georges en souriant, aussi c’est grand’mère que je devrais vous appeler… car vous êtes bon, tendre et inquiet pour moi, comme une vraie mère-grand’. Mais, croyez-moi, vous vous inquiétez à tort… Tenez, voilà votre cuiller… attendez que je mette la petite table sur votre lit… vous serez plus à votre aise.

Et Georges prit dans un coin une jolie petite table de bois de noyer, bien luisante, pareille à celle dont se servent les malades pour man-