Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/269

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— Heureux… heureux Julyan !

Alors Julyan, radieux, debout sur le bûcher, ayant à ses pieds le corps d’Armel, leva ses regards inspirés vers la lune brillante, écarta les plis de sa saie, tira son long couteau, tendit vers le ciel le bouquet de verveine qu’il tenait à la main gauche et se plongea fermement de la main droite son couteau dans la poitrine, en criant d’une voix mâle :

— Heureux… heureux je suis… je vais rejoindre Armel !…

Aussitôt le feu embrasa le bûcher… Julyan leva une dernière fois son bouquet de verveine vers le ciel, et disparut au milieu des flammes éblouissantes, tandis que les chants des bardes, le son des harpes, des cymbales, retentissaient au loin.

Un grand nombre d’hommes et de femmes des tribus, dans leur impatient et curieux désir de voir et de savoir les mystères des autres mondes, se précipitèrent vers le bûcher de Julyan, afin de s’en aller avec lui et d’offrir à Hésus une immense hécatombe de leurs corps. Mais Talyessin, le plus ancien des druides, ordonna aux ewaghs de repousser ces fidèles et leur cria :

— Assez ! assez de sang a coulé… sans celui qui va couler encore : l’heure est venue où le sang gaulois ne doit plus couler que pour la liberté ! Et le sang versé pour la liberté est aussi une offrande agréable au Tout-Puissant !

Les ewaghs s’opposèrent, non sans grande peine, à ces sacrifices humains et volontaires. Le bûcher de Julyan et d’Armel continua de brûler, et il n’en resta qu’un monceau de cendres.

Un grand silence se fit parmi la foule des tribus… Hêna, la vierge de l’île de Sên, montait sur le troisième bûcher.

Joel et Margarid, ainsi que ses trois fils Guilhern, Albinik et Mikaël, leurs femmes et leurs petits enfants, qui aimaient tant Hêna, tous ses parents et tous ceux de la tribu qui la chérissaient aussi, se serraient les uns contre les autres, en se disant tout bas :

— Voici Hêna… voici notre Hêna.

Lorsque la vierge de l’île de Sên fut debout sur le bûcher, orné de