Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/281

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— Traîtreusement ! — s’écria la jeune femme. — Et opprimer un peuple libre… est-ce loyal ? Réduire ses habitants en esclavage… les expatrier par troupeaux, le collier de fer au cou… est-ce loyal ?… Massacrer les vieillards, les enfants… livrer les femmes et les vierges aux violences des soldats… est-ce loyal ?… Et maintenant, tu hésiterais… après avoir marché tout un jour, tout une nuit, aux clartés de l’incendie… au milieu de ces ruines fumantes, qu’ont faites l’horreur de l’oppression romaine !… Non… non… pour exterminer les bêtes féroces, tout est bon : l’épieu comme le piège… Hésiter… hésiter !!! Réponds, Albinik !… Sans parler de ta mutilation volontaire… sans parler des dangers que nous bravons en entrant dans ce camp… ne serons-nous pas, si Hésus aide ton projet, les premières victimes de cet immense sacrifice que nous voulons faire aux dieux ?… Va, crois-moi, qui donne sa vie n’a jamais à rougir… et par l’amour que je te porte ! par le sang virginal de notre sœur Hêna… j’ai à cette heure, je te le jure, la conscience d’accomplir un devoir sacré… Viens, viens… la soirée s’avance…

— Ce que Méroë, la juste et la vaillante, trouve juste et vaillant doit être ainsi… — dit Albinik en pressant sa compagne contre sa poitrine. — Oui… oui… pour exterminer les bêtes féroces tout est bon : l’épieu comme le piège… Qui donne sa vie n’a pas à rougir… Viens…

Les deux époux hâtèrent leur marche vers les lueurs du camp de César. Au bout de quelques instants, ils entendirent, à peu de distance, résonner sur le sol le pas réglé de plusieurs soldats et le cliquetis des sabres sur les armures de fer ; puis à la clarté de la lune ils virent briller des casques d’acier à aigrettes rouges.

— Ce sont des soldats de ronde qui veillent autour du camp, — dit Albinik. — Allons à eux…

Et ils eurent bientôt rejoint les soldats romains, dont ils furent aussitôt entourés. Albinik avait appris dans la langue des Romains ces seuls mots : « Nous sommes Gaulois bretons ; nous voulons parler