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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/82

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qui vous reviennent tout de suite ; et puis je vous ai trouvé si honnête homme au sujet de votre fourniture…

— C’est tout en conscience, monsieur, tout en conscience.

— … Que je me suis dit tout de suite : Ce doit être un excellent homme que ce brave Lebrenn ; je voudrais lui être agréable, et même l’obliger, si je pouvais.

— Ah ! monsieur, je ne sais où me mettre.

— Tenez, vous m’avez dit tout à l’heure que les affaires allaient mal… voulez-vous que je vous paye d’avance votre fourniture ?…

— Nenni, monsieur, c’est inutile.

— Ne vous gênez pas ! parlez franchement… la somme est importante… Je vais vous donner un bon à vue sur mon banquier.

— Je vous assure, monsieur, que je n’ai point besoin d’avances.

— Les temps sont si durs, cependant…

— Bien durs sont les temps, il est vrai, monsieur ; il faut en espérer de meilleurs.

— Tenez, cher monsieur Lebrenn, — dit le comte en montrant au marchand les portraits qui ornaient le salon, — le temps où vivaient ces braves seigneurs, c’était là le bon temps !…

— Vraiment, monsieur ?…

— Et qui sait ?… peut-être reviendra-t-il, ce bon temps…

— Oui-dà… Vous croyez ?

— Un autre jour nous parlerons politique… car vous parlez peut-être politique ?

— Monsieur, je ne me permettrais point cela ; vous concevez, un marchand…

— Ah ! mon cher, vous êtes un homme du bon vieux temps, vous, à la bonne heure… Que vous avez donc raison de ne pas parler politique ! c’est cette sotte manie qui a tout perdu ; car dans ce bon vieux temps dont je vous parle, personne ne raisonnait : le roi, le clergé, la noblesse commandaient, tout le monde obéissait sans mot dire.