Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/102

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son mari d’une voix émue en lui remettant une lettre ouverte :

— Lisez, mon ami ; vous reconnaîtrez qu’il n’y a pas un moment à perdre… — Et se retournant vers Christian : — Pouvons-nous compter sur vous ?

— En tout et pour tout, madame !

— Plus de doute ! — s’écria maître Robert Estienne, après avoir lu la lettre. — Cette nuit, peut-être, notre maison sera visitée… on est sur les traces de notre ami !

— Je cours vite le chercher, — reprit madame Estienne. — Christian et lui sortiront par la ruelle, la maison doit être surveillée du côté de la rue Saint-Jean-de-Beauvais.

— Monsieur, — dit l’artisan à son patron, — j’irai, par surcroît de précaution, jusqu’au bout de la ruelle, afin de reconnaître si le passage est libre.

— Allez, mon ami, vous nous retrouverez dans la petite cour.

Cette petite cour, Christian la traversa en sortant de l’atelier ; puis il poussa les verrous d’une porte donnant sur une ruelle déserte et la parcourut dans toute sa longueur sans y rencontrer personne, la nuit, presque transparente, permettant de voir assez loin devant soi. Ainsi assuré que ce passage offrait toute sécurité, Christian revint à la porte de la cour où se tenait maître Robert Estienne, serrant dans ses mains celles d’un homme de taille moyenne, simplement vêtu de noir, et de qui les traits furent à peine entrevus par l’artisan. Celui-ci dit à son patron :

— Monsieur, la ruelle est déserte ; nous pouvons sortir sans être aperçus de personne.

— Adieu, mon ami ! — dit d’une voix émue maître Robert Estienne au proscrit. — Fiez-vous à votre guide, comme vous vous fieriez à moi même… Que le ciel protège votre précieuse vie !…

— Adieu ! adieu !… — répondit l’inconnu, non moins ému que l’imprimeur ; et il suivit Christian. Tous deux, après avoir quitté la ruelle et cheminé sans encombre dans la direction du pont au