Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/14

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et, pour se venger, tente d’entraîner le duc de Bourgogne dans une nouvelle guerre contre la France ; n’y pouvant parvenir, il se console en jetant le trouble et la discorde dans la cour de son hôte. Ainsi se réalisent les prévisions de Charles VII, qui, connaissant son fils, disait : « Mon cousin de Bourgogne ne sait ce qu’il fait ; en accueillant le dauphin, il nourrit le renard qui mangera ses poules… »

L’expulsion des Anglais, les fermes et sages mesures prises d’abord par les conseillers de Charles VII, alors que Jacques Cœur faisait partie de cette réunion de bourgeois animés de l’amour du bien public, avaient à peu près rétabli l’ordre dans le royaume ; mais plusieurs princes de la famille de Charles VII, ne pouvant plus, comme par le passé, rançonner, piller, à la tête de leurs bandes mercenaires, les populations abandonnées à la merci du premier brigand, trouvèrent gênante, déplaisante, la paix momentanée qui mettait terme à tant de maux. Puis, Charles VII, suzerain de ces princes, les traitait en grands vassaux : il s’attribuait la plus grosse part des taxes levées dans leurs provinces. Cet état de choses leur fut intolérable, ils entreprirent de livrer à nouveau la Gaule à tous les désastres de la guerre civile et étrangère, dans l’espoir de se rendre indépendants de sa couronne, et se préparèrent à une révolte ouverte. Le duc d’Alençon, autrefois compagnon d’armes de Jeanne Darc, noua un complot avec les Anglais, leur promettant de leur livrer les forteresses de sa duché de Normandie, à la condition d’être reconnu duc souverain de cette contrée. Charles VII, instruit à temps des desseins du duc d’Alençon, le fit arrêter, juger, condamner à mort, et mit, selon sa coutume, la main sur les domaines du condamné. Un autre prince de sang, Jean d’Armagnac, traitait en même temps de son côté avec l’Espagne contre la France. Ce duc d’Armagnac, scélérat souillé de tous les forfaits, s’opiniâtrait à épouser sa sœur Isabelle, dont il avait déjà trois enfants, demandant au pape Calixte III une dispense pour son abominable mariage ; un saint évêque (celui de Lectoure) partit pour Rome, afin de négocier cette monstruosité auprès du