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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/15

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saint-père ; mais en attendant le retour de l’évêque, Jean d’Armagnac fit bénir son incestueuse union par son chapelain. Le scandale fut immense ; Charles VII fit poursuivre le duc Jean ; il se retira en Castille, frappé d’un bannissement perpétuel, et perdit ses apanages. Charles VII, épouvanté de trouver tant de traîtres dans sa royale famille, se défiant de plus en plus de son fils Louis, le soupçonnant de machiner avec son bel oncle, Philippe de Bourgogne, quelque complot contre la France, peut-être même quelque trame parricide, le fit sommer de revenir à la cour, afin d’avoir du moins le dauphin en son pouvoir ; mais celui-ci, redoutant, détestant autant son père que son père le redoutait, le détestait, resta en Bourgogne. Charles VII, dans sa colère, voulait déshériter Louis et laisser la couronne à son puîné, Charles, duc d’Orléans ; cette dérogation à la loi salique risquant de bouleverser le royaume, Charles VII abandonna ces desseins. Bientôt, soit qu’il eût hérité de la folie de son père Charles VI, soit que les excès eussent affaibli sa raison, il se persuada que son fils Louis voulait l’empoisonner, et que parmi ses courtisans et ses serviteurs les plus intimes se trouvait le meurtrier ; dès lors, l’esprit de Charles VII s’égara complètement ; de crainte d’accepter quelque breuvage ou quelque nourriture empoisonnée, il refusa obstinément de boire ou de manger. Son agonie, causée par les tortures de la faim et de la soif, fut lente, horrible… enfin il est mort le 22 juillet de cette année-ci (1461), à l’âge de cinquante-huit ans, après un règne de trente-neuf ans.

Il est une justice au ciel, fils de Joel ! Jeanne Darc et Jacques Cœur sont vengés !…


Moi, Allan, fils d’Étienne et petit-fils de Mahiet Lebrenn, l’Avocat d’armes, j’ai achevé d’écrire ce qui précède cejourd’hui, neuvième jour du mois d’août 1461, dans la soixante-deuxième année de mon âge. Je te lègue les reliques et les légendes de notre famille, à toi, mon