Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/148

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— Hervé, — reprit Christian, ému de ces remords (hélas ! il les croyait sincères), — hier, à cette même place, ta mère et moi, nous t’avons dit : « — Si, dans un moment d’égarement, tu as commis ce larcin, avoue-le… il te sera pardonné… »

— C’est avec bonheur que nous tenons notre promesse, — ajouta Brigitte ; — nous pardonnons à ton repentir… Relève-toi, mon enfant !

— Ah ! jamais plus qu’en ce moment je n’ai eu conscience de l’indignité de ma conduite !… Mon Dieu ! tant d’indulgence de votre part, et de la mienne tant de bassesse ! — dit Hervé en se relevant, mais paraissant accablé de remords.

— Je ne te le cache pas, mon ami, — reprit Christian, dans sa paternelle mansuétude, — je m’attendais presque à cet aveu de ta faute ; certains heureux symptômes, aujourd’hui remarqués par ta mère et par moi, nous faisaient espérer ton retour au bien, aux principes d’honnêteté dans lesquels nous t’avons élevé…

— Ne le disais-je pas hier ? — reprit Brigitte. — Est-ce que notre fils peut jamais devenir indigne de notre tendresse, indigne des exemples qu’il a reçus de nous, comme son frère, comme sa sœur ? Non, non, il nous reviendra, il réprouvera ses erreurs… Vois-tu, cher… cher enfant, — ajouta-t-elle en l’embrassant avec effusion, — vois-tu que je te connaissais mieux que tu ne te connais toi-même ?…

L’effroyable hypocrite se jeta au cou de sa mère, répondit à ses caresses avec un feint attendrissement, et dit d’un ton pénétré :

— Bon père ! bonne mère ! l’aveu de ma honteuse action m’a mérité votre pardon… peut-être un jour me rendrez-vous votre estime. Sachez du moins la cause d’un repentir dont la soudaineté doit vous surprendre…

— Douce surprise, grâce à Dieu !… Parle, parle, cher enfant.

— Vous ne vous trompiez pas, mon père… Oui, égaré, perverti par les conseils de fra‑Girard, j’ai dérobé votre argent afin de le consacrer à des œuvres que je croyais méritoires…