Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/149

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— Ah ! je le dis avec orgueil pour nous et pour toi ! — s’écria Brigitte, — jamais, en t’accusant, nous ne t’avons cru un moment capable de t’être laissé entraîner à cet acte coupable par un sentiment d’ignoble cupidité !

— Merci ! oh ! merci, ma bonne mère, de me rendre du moins cette justice, ou plutôt de la rendre à l’éducation que je vous dois ! Non, le fruit de mon honteux larcin n’a pas été dissipé en prodigalités… Ces écus d’or, je les ai versés dans la caisse du commissaire apostolique des indulgences, afin d’obtenir la rédemption des âmes du purgatoire.

— Je te crois, mon fils ; car, ainsi que ta mère et moi nous te le disions hier, le côté charitable, généreux de cette idolâtrie, si profitable à l’avidité de l’Église de Rome, devait séduire ton cœur… Mais comment as-tu reconnu la fourbe de ce trafic monacal ?

— Ce matin, après avoir déposé mon offrande dans la caisse des indulgences ouverte en l’église de Saint-Dominique, j’ai entendu prêcher le commissaire apostolique… Ah ! mon père, tout ce qui était resté en moi de sentiments honorables s’est alors révolté, la lumière s’est faite soudain à mes yeux, j’ai mesuré la profondeur de l’abîme où m’entraînait un fanatisme aveugle. Savez-vous ce que ce moine, parlant au nom du Christ, parlant au nom du Tout-Puissant, a osé dire à la foule assemblée dans l’église ?

— Achève… achève !…

« — La vertu de mes indulgences est si efficace ; » — s’est écrié ce moine, — « si grandement efficace, que si, par impossible, quelqu’un avait violenté la mère du Sauveur, ce crime sans nom lui serait remis par la grâce de mes indulgences… Donc, achetez-les, mes frères ! apportez, apportez votre argent !… »

Christian et sa femme écoutaient leur fils dans une silencieuse épouvante ; les exécrables et sacrilèges paroles qu’il leur rapportait, en leur causant un frisson d’horreur, leur expliquaient le repentir, les remords d’Hervé.