Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/154

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— Maître, nous vous avons suivi sans réflexion… sans examen.

— Pourquoi sans réflexion, sans examen ? Réponds, Lainez…

— Les membres du corps obéissent à la volonté qui les dirige ; ils n’interrogent pas cette volonté : ils obéissent.

— Xavier, — reprit Loyola, — place ton flambeau dans un interstice de ce roc. Lefèvre, dépose ce paquet à tes pieds ; il contient tes habits sacerdotaux et ce qui est nécessaire pour célébrer le saint sacrifice de la messe ?

— Oui, maître, selon vos ordres.

François Xavier assujettit le flambeau entre deux pierres ; Lefèvre dépose son paquet près de lui ; les autres disciples restent debout, les yeux baissés. Loyola, toujours assis et le menton appuyé sur la poignée de sa béquille, reprend :

— François Xavier, lorsque je t’ai rencontré sur les bancs de l’Université, quel était ton caractère ?

— Maître, s’il m’en souvient, j’apportais à l’étude et aux choses de la vie une fougue extrême…

— Et toi ? — dit Loyola, — et toi, Inigo de Bobadilla ?

— Maître, le moindre obstacle me rebutait ; mon âme manquait d’énergie…

— Et toi, Jean Lainez ?

— Maître, j’avais une confiance excessive en moi-même…

— Et toi, Rodriguez d’Azevedo ?

— Maître, mon cœur débordait de tendresse ; une action touchante, une parole affectueuse, le serrement de main d’un ami, rendaient mes yeux humides de larmes…

— Et toi, Alphonse Salmeron ?

— Maître, l’orgueil me dominait ; je me sentais aussi fier de ma force physique que de mon intelligence…

— Et toi, Jean Lefèvre ?

— Maître, ma ténacité montagnarde ne tenait compte des obstacles que pour les vaincre…