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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/189

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d’émotions diverses, pouvait à peine se soutenir ; le sergent répond durement que si la jeune hérétique ne peut marcher, on la traînera. Puis il dit à ses archers :

— Que trois d’entre vous restent dans cette maison ; lorsque Christian frappera pour rentrer chez lui, vous ouvrirez la porte, et vous vous assurerez facilement de sa personne.

Brigitte ne peut retenir un douloureux gémissement en entendant donner cet ordre : Christian devait, pensait-t-elle, tomber fatalement dans ce piège revenant sans défiance à son foyer. Les trois archers s’enferment dans la salle basse ; les autres, sous la conduite de leur chef, sortent de la maison, et, emmenant Brigitte et ses deux enfants, se remettent en marchent.

— Par pitié, — dit la malheureuse mère au sergent, — déliez mes mains, que je puisse donner à ma fille l’appui de mon bras ; elle est si défaillante, qu’il lui sera impossible de nous suivre…

— C’est inutile, — reprit le sergent, — au bout du pont vous serez séparées ; vous n’allez pas dans la même prison que votre fille.

— Grand Dieu ! où l’emmenez-vous donc ?

— Au couvent des Augustines… Vous irez, vous, au Châtelet… Marchons…

Hervé, jusqu’alors concentré dans sa muette et farouche impassibilité, dit vivement au sergent :

— Si l’on doit me conduire dans un couvent, je demande à aller aux Cordeliers.

— M. le lieutenant criminel décidera, — répondit le sergent. — Marchons…

Les archers, un instant stationnaires, continuent leur chemin. Hélas ! comment peindre la douleur, le désespoir d’Hêna et de sa mère en apprenant qu’elles n’auront pas même la consolation de subir ensemble leur dernière infortune ? Cependant, un éclair d’espérance luit dans l’âme de Brigitte : elle avait échangé ses dernières paroles avec le sergent non loin de la croix dressée au milieu du pont, et