Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/195

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Christian, au nom du vicomte Neroweg de Plouernel, tressaillit de surprise ; le hasard le rapprochait de l’un des descendants des Neroweg, cette race de seigneurs francs avec qui les fils de Joel-le-Gaulois s’étaient tant de fois rencontrés, pour leur malheur, à travers les âges. Il ressentait une sorte de répulsion instinctive à l’égard du vicomte de Plouernel, et jeta sur lui un regard inquiet et sombre lorsque, accompagné de M. de Coligny et du prince Karl de Gerolstein, il s’avança vers Jean Calvin. Pendant que celui-ci échangeait quelques paroles avec les nouveaux venus, Christian examinait curieusement le descendant des Neroweg. Ses traits offraient le caractère typique de sa race : cheveux d’un blond vif, nez aquilin, yeux ronds et perçants ; mais l’artisan fut frappé de l’expression de franchise et de bonté qui rendait attrayante la physionomie de ce jeune homme, âgé de quelques années de plus que Gaspard de Coligny.

— Messieurs, — dit Jean Calvin, dont la voix vint interrompre les réflexions de Christian, — messieurs, je suis heureux de vous présenter à mon tour l’un des nôtres, M. Lebrenn, digne et savant auxiliaire des travaux d’imprimerie de notre ami Robert Estienne. M. Lebrenn a généreusement risqué de grands périls pour m’offrir l’hospitalité ; enfin, c’est à lui que nous devons la découverte de la localité où nous pourrons, cette nuit, nous réunir secrètement et sans danger.

— Monsieur, — reprit Gaspard de Coligny, s’adressant à Christian d’un ton pénétré, — mes amis et moi, nous partageons la reconnaissance de M. Jean Calvin.

— Et de plus, monsieur Lebrenn, — ajouta Neroweg, vicomte de Plouernel, — j’aime à rencontrer ici l’un des coopérateurs de l’illustre Robert Estienne… Nous autres gens de guerre, nous n’avons à mettre au service de la sainte cause de la liberté de croyance que notre épée, s’il faut la tirer un jour ; mais vous et les compagnons de vos travaux, monsieur Lebrenn, vous possédez un merveilleux talisman : l’imprimerie !… Gloire à cette découverte ! la lumière suc-