Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/196

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cède aux ténèbres ! déjà l’Écriture sacrée, au nom de laquelle l’Église de Rome imposait aux peuples ignorants ou crédules tant d’idolâtries séculaires, l’Écriture sacrée n’est plus un mystère… elle doit à l’imprimerie une seconde révélation ; grâce aux féconds résultats de l’imprimerie, la fraternité évangélique régnera un jour sur la terre !

— Vos paroles sont profondément justes, monsieur de Plouernel ; oui, la découverte de l’imprimerie est marquée du doigt de Dieu, — dit Jean Calvin. — Mais la nuit s’avance, nos amis nous attendent sans doute, allons les rejoindre. — Et ayant à ses côtés Gaspard de Coligny et le vicomte de Plouernel, Jean Calvin continua de gravir la pente sinueuse de la colline de Montmartre.

Christian, dans l’extrême surprise où le jetaient les affables paroles du descendant des Neroweg, ne trouva tout d’abord, à son grand regret, un seul mot à lui répondre ; il suivit silencieusement Jean Calvin, ne remarquant pas que le prince Karl de Gerolstein l’observait depuis quelques moments avec une attention croissante. Ce seigneur, dans la vigueur de l’âge, d’une figure mâle et ouverte chemina quelques pas aux côtés de l’artisan, puis lui dit :

— Croyez-le, monsieur, si je n’ai pas tout à l’heure payé, comme mes amis, un juste éloge à la courageuse hospitalité accordée par vous à Jean Calvin, je n’apprécie pas moins la générosité de votre conduite… Votre nom m’a frappé ; il a éveillé en moi de nombreux souvenirs…

— Mon nom… prince ?

— De grâce, épargnez-moi cette appellation princière ; Christ l’a dit : « Tous les hommes sont égaux devant Dieu !… » Vous vous appelez Lebrenn ?

— Oui, monsieur.

— Le berceau de votre famille est la Bretagne armoricaine ?

— Oui, monsieur.

— Avant la conquête de la Gaule par Jules César, votre famille habitait près des pierres sacrées de Karnak ?…