Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/226

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cet escalier était un couloir voûté sur lequel donnaient plusieurs portes ; l’on ouvre l’une d’elles, l’on me fait entrer dans un caveau, où je vois une caisse faite comme un cercueil remplie de cendres, un prie-Dieu de bois surmonté d’une croix et, près de la couche de cendres, une cruche de terre et un pain placés par terre.

— Telle sera votre demeure jusqu’à ce que vous soyez revenue de votre endurcissement, — me dit la religieuse. — Si la solitude et les mortifications ne domptent pas votre rébellion, l’on aura recours à d’autres rigueurs.

On me laissa sans lumière dans ce caveau ; la porte refermée sur moi, je me jetai sur ma couche de cendres ; j’avais grand froid, la robe de crin me causait des cuissons insupportables, les ténèbres m’épouvantaient. Je me rappelais, pauvre chère mère, ma petite chambre près de la tienne, mon lit si blanc et ce baiser que chaque soir tu venais me donner avant que je fusse endormie ; je sanglotai ; peu à peu, mes larmes se tarirent ; engourdie par le froid, je sommeillai jusqu’au jour, sa lueur m’arrivait à travers le soupirail de ma prison. Je te l’avoue, bonne mère, et tu pardonneras ma faiblesse, abattue par les souffrances de cette première nuit, craignant d’être condamnée à rester bien longtemps peut-être dans ce caveau, je me résignai à consentir à tout ce que l’on exigerait de moi ; je voulais à tout prix sortir de ce lieu sinistre. J’attendis impatiemment la religieuse afin de lui faire ma soumission ; personne ne vint, ni ce jour-là, ni pendant une semaine environ. Je crus d’abord que ma raison allait s’égarer, je frissonnais de peur à chaque instant, le silence même de cette espèce de tombe me causait de folles terreurs. Je gémissais, vous appelant, toi et mon père, comme si vous pouviez m’entendre ; puis je retombais anéantie sur ma couche de cendres.

Peu à peu, cependant, je m’habituai à ma prison, à mon cilice, à mon pain dur et noir ; le calme revint dans mon esprit, je me dis : — « Je suis victime d’une grande méchanceté ; mes parents m’ont enseigné qu’il fallait souffrir courageusement l’injustice, ne jamais