Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/225

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ligieuse entrait en compagnie de quatre tourières grandes et fortes, l’une portait une lanterne. J’eus peur ; je demandai ce que l’on voulait de moi.

— Levez-vous et suivez-nous, — me répondit la vieille religieuse. J’hésitais à obéir ; elle ajouta : — Pas de résistance, sinon nos tourières vous emporteront de force.

Je me résignai ; je m’apprêtais à prendre ma robe, mais la religieuse jeta sur mon lit une espèce de sac de crin qu’elle avait apporté.

— Voilà le seul vêtement qui vous convienne désormais ! — reprit-elle.

Je me vêtis de ce cilice ; j’allais mettre mes chaussures, lorsque la religieuse me dit :

— Vous marcherez pieds nus ; il faut mortifier votre chair rebelle.

L’expression de la figure de cette femme et de ses compagnes me parut impitoyable ; je compris l’inutilité de la résistance, des supplications, et, pieds nus, vêtue du sac de crin, je suivis la religieuse. L’une des tourières nous éclairait de sa lanterne. Nous traversons le cloître et plusieurs passages ; sur l’un d’eux s’ouvrait une fenêtre basse intérieurement voilée par des rideaux de soie rouge, à travers lesquels perçait une vive lumière. En passant devant cette croisée, j’entendis une voix d’homme chanter en s’accompagnant du théorbe ; ces chants, accueillis par les éclats de rire de plusieurs femmes et de plusieurs hommes réunis en cette salle, me firent rougir de honte. La religieuse hâta sa marche, nous entrâmes dans une petite cour ; l’une des tourières ouvrit une porte, et à la lueur de la lanterne, je vis la noire profondeur d’un escalier qui descendait sous terre. Saisie de frayeur, je me recule ; mais la religieuse me poussant par les épaules :

— Allez, allez… on vous mène en un lieu où vous méditerez à loisir sur votre obstination impie ! 


Je suivis la tourière qui nous éclairait ; je descendis les marches d’un escalier de pierre ; l’humidité glaçait mes pieds nus. Au bas de