Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/251

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— Non, grâce à Dieu ! monsieur, soyez tranquille ; vous le savez, vous pouvez compter sur ma femme comme sur moi-même. L’on ne se doute pas dans le village qu’il y a quelqu’un de caché dans votre maison.

— Que s’est-il donc passé depuis ma dernière visite ici ? Alison m’a apporté ce matin un billet de la personne à qui je donne asile ; mais ce billet, tout en réclamant ma présence ici, ne m’annonçait aucun événement grave.

— Sans doute la personne qui est ici, monsieur, se réserve de vous apprendre qu’elle n’est plus seule céans.

— Comment cela ?

— Avant-hier, ce grand borgne qui vient ici de temps à autre, et toujours de nuit, est arrivé en plein jour, monté dans une petite charrette attelée d’un âne et remplie de paille. Il m’a chargé de garder la charrette, est allé trouver votre hôte, puis ils sont revenus tous deux, et de la paille dont était remplie la charrette, ils ont tiré… un moine !

— Un moine !

— Oui, monsieur, un pauvre jeune moine de l’ordre des Augustins ; il semblait n’avoir pas une heure à vivre, tant il était pâle et défait.

— Et qu’est-il devenu ?

— Il est resté ici… et votre hôte m’a dit : « — Michel, gardez, je vous en prie, un secret absolu sur l’arrivée de ce religieux dans cette maison ; je préviendrai M. Estienne de ce qui s’est passé. »

— Vous avez, je n’en doute pas, suivi ces recommandations ?

— Oui, monsieur… mais ce n’est pas tout… Cette nuit, le grand borgne est revenu un peu avant le point du jour ; il était à cheval et avait derrière lui en croupe et cachée dans un manteau… une religieuse… Je suis allé aussitôt avertir votre hôte ; il est accouru, et peu s’en est fallu qu’il ne se soit évanoui à la vue de cette nonne ; puis, fondant en larmes, il est rentré avec elle dans la maison, tan-