Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dis que le grand borgne repartait au galop. Il faisait alors à peine jour. Enfin, vers le midi, le grand borgne est encore revenu, mais cette fois vêtu d’un sarrau et d’un bonnet de paysan ; il apportait à votre hôte un coffret, après quoi, il s’en est allé…

M. Robert Estienne, très-surpris de ce que lui apprenait son jardinier, se dirigea vers la maison, où il frappa d’abord, en manière de signal, deux coups, puis un troisième, séparé des premiers par un léger intervalle ; et bientôt Christian vint ouvrir la porte.

— Mon ami, qu’avez-vous ? que s’est-il passé ? — s’écria Robert Estienne, frappé de la profonde altération des traits de l’artisan, qui se jeta dans les bras de son patron en murmurant au milieu de sanglots étouffés :

— Si vous saviez !… ma fille !… ma fille !…

Robert Estienne répondit à l’étreinte convulsive de Christian, et, croyant qu’il s’agissait d’un irréparable malheur, il reprit d’une voix douloureusement émue :

— Du courage, mon ami… du courage… ce nouveau chagrin…

— Elle est retrouvée !… — s’écria Christian. Et un éclair de joie ineffable brilla dans ses yeux. — Elle est ici !…

— Votre fille ?

— Depuis cette nuit, elle est près de moi !…

— Il serait vrai ! — reprit Robert Estienne. Puis, se rappelant les paroles de son jardinier : — Quoi ! cette religieuse ?…

— C’est Hêna… Mais venez, venez, monsieur, mon cœur déborde, ma tête se perd… Oh ! jamais je n’ai eu plus besoin de vos conseils…

Christian et son patron s’étaient jusqu’alors tenus à l’entrée d’un vestibule ; ils se rendirent dans une chambre voisine.

— De grâce, mon cher Christian, calmez-vous, — dit M. Robert Estienne, — apprenez-moi ce qui s’est passé… Vous avez, dites-vous, besoin de mes conseils ? Il est inutile d’ajouter que mon amitié vous est toute dévouée.