Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/258

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chaque jour, a de longues conférences avec le cardinal, et sur qui, dit-on, il a pris depuis quelque temps un grand empire ? » — Me souvenant alors de ce que vous m’avez appris d’Ignace de Loyola et de la séance nocturne dont vous avez été l’invisible témoin, j’ai pu édifier la princesse sur le chef du nouvel ordre des Jésuites. Je comprends donc maintenant que, par le puissant intermédiaire du cardinal Duprat, Ignace de Loyola soit arrivé à atteindre votre famille… Mais d’où vient tant de haine contre vous ?

— Ignace de Loyola ne me pardonne pas, sans doute, d’avoir surpris le secret de ses effrayants desseins. Lefèvre, l’un de ses disciples et l’un de mes anciens amis, m’a vu, lors de cette nuit funeste, caché derrière une grosse pierre au fond de la carrière ; mais, dissimulant sa surprise, il a feint de ne pas m’apercevoir afin de ne pas éveiller mes craintes, et le lendemain, il guidait chez moi les archers du guet, s’emparait de mes papiers de famille, dont je lui avais autrefois donné connaissance, et montait au galetas où, découvrant quelques débris de lettre laissés par Jean Calvin, il aura été ainsi mis sur la trace de l’assemblée des réformés à Montmartre, car, quelques heures après, la carrière était envahie par les archers…

— Mais comment vos légendes de famille et la note qui les concerne sont-ils revenus dans vos mains ?

— Le frère de ma femme, ce soldat d’aventure dont je vous ai souvent parlé, m’a donné les preuves du plus courageux dévouement. Il se rendait à notre maison lorsque Brigitte et ses enfants ont été arrêtés, il les a vu emmener ; il a vu un homme vêtu d’un froc noir à capuchon rabattu emporter le coffret contenant nos légendes : cet homme était mon ancien ami Lefèvre… Une fois hors de chez moi, ne croyant plus nécessaire de cacher sa figure, il a relevé son capuchon, Joséphin l’a reconnu ; cette découverte a été pour moi plus tard une révélation… Ce soir-là, mon beau-frère ne pouvait, sans folie, tenter d’arracher ma femme et ma fille aux mains des archers ; il est resté aux environs de ma demeure, épiant mon arrivée.