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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/259

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C’est de lui que j’ai appris l’arrestation de ma famille. Enfin, hier, rencontrant, dans le voisinage de notre maison, un jeune moine augustin évadé de son couvent, et sachant par lui que ma fille avait prononcé ses vœux, le franc-taupin, certain du lieu où se trouvait Hêna, a entrepris de l’enlever de son cloître à l’aide de gens déterminés ; il y a réussi. Enfin, ne doutant pas que le coffret renfermant nos légendes ne fût entre les mains de Lefèvre, il s’est rendu de grand matin, bien accompagné, au collège Montaigu, a enlevé de force à ce jésuite le coffret où se trouvait jointe à nos chroniques, la note d’Ignace de Loyola, et me les a rapportées ce matin.

— Quel dévouement ! il fait pardonner à ce vaillant aventurier les désordres de sa vie passée. Enfin, grâce à lui, votre fille vous est rendue… Ce moine à qui vous avez donné ici l’hospitalité est sans doute celui qui, fuyant son couvent, a mis le franc-taupin à même de délivrer votre fille ? 


— Oui, monsieur Estienne… Maintenant, je vous en adjure, éclairez-moi de vos conseils ; ma tête se perd, je suis en proie aux plus cruelles perplexités.

— Vous craignez que l’on retrouve les traces de votre fille ?

— Cette crainte, si terrible qu’elle soit, n’est pas ce qui me navre le plus…

— Qu’avez-vous donc encore à redouter ?

— Ah ! monsieur Estienne… — et Christian sanglota, — je suis un malheureux père !…

— Mon ami, du courage… à force de précaution, de prudence, nous parviendrons à soustraire votre fille aux recherches…

— Vous ne savez pas tout…

— Quoi donc encore ?

— Ce jeune moine…

— Eh bien ?

— Lorsque Joséphin l’a conduit ici, j’ai eu peine à le reconnaître tant il était changé.